ANTOINE DOCHNIAK

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DAYLIGHT ALL NIGHT LONG


(FR)   Une proposition de Pierre Allain, Antoine Dochniak, Maxime Chabal et Substances dérivées.

« Il m’écrivait que là où il vivait, le soleil disparaissait pendant plusieurs mois, et que chacun apprenait à vivre dans la pénombre. Je lui racontais qu’ici, même si le soleil ne s’effaçait pas derrière l’horizon, nous apprenions aussi à vivre sans lui, à la dérive.

Je me demandais pourquoi, malgré la violence avec laquelle sa chaleur fiévreuse s’abattait sur mon corps, je ne ressentais pas la lumière. J’avais la tête tournée vers le sol, mon enveloppe était couverte d’une transpiration virale. Une succession d’images pulsées au rythme de mon pouls plongeaient mon esprit dans un état équinoxial. Des publicités en faveur du soleil apparaissaient, les humains couraient dans les rues pour rejoindre l’endroit où le travail s’écoulait.

Je regardais le temps scintiller sur l’abdomen luminescent d’une luciole, celui-ci me rappelait qu’à l’intérieur de notre réalité sans soleil, le rythme des cérémonies de travail n’a pas de logique naturelle. Cueilli sur un rond-point, je regardais depuis l’escalier les fleurs de Datura séchées sur la terrasse, soufflées par l’air brûlant du désert.

Je commençais à me demander si le présent était bien réel, ou s’il faisait partie d’un gigantesque rêve collectif dont la ville tout entière serait la projection. Une carte négative aux artères bleuâtres, comme celle d’un réseau routier ou d’un organisme, me menait jusqu’à une maison, peut-être la mienne.

Seule une veilleuse à la lumière froide éclairait les écrits sur les murs de la chambre. Enfermé dans une boucle, je m’endormais sans savoir où je me réveillerais. »



Le souffle du diable, 2021,
fleurs de Datura séchées cueillies à Lisboa, crème solaire, t-shirt noir, Daylight, All Night Long, monopôle, Lyon.

Le voyeur porte des œillères, série :
Interprétation d’une plage lumineuse, 2021, acier, mammographie d’une inconnue, pince en noyer, Daylight, All Night Long, monopôle, Lyon.

“Si vous ne supportez plus le mot printemps, Ni la lumière du soleil
éclatant, Vivez sans le temps”, 2021,
chène massif, PLA blanc, feuilles de Datura cueillies à Gibraltar, Daylight, All Night Long, monopôle, Lyon.








(EN)   A proposal by Pierre Allain, Antoine Dochniak, Maxime Chabal, and Substances Dérivées

"He wrote to me that where he lived, the sun disappeared for several months, and everyone learned to live in the darkness. I told him that here, even if the sun didn't vanish behind the horizon, we were also learning to live without it, adrift.

I wondered why, despite the violence with which its feverish warmth struck my body, I did not feel the light. My head was turned towards the ground, my form covered in viral perspiration. A succession of images pulsed to the rhythm of my heartbeat, plunging my mind into an equinoctial state. Advertisements promoting the sun appeared; humans ran through the streets to reach the place where work flowed.

I watched time sparkle on the luminescent abdomen of a firefly; it reminded me that within our sunless reality, the rhythm of work ceremonies has no natural logic. Picked up on a roundabout, I looked from the staircase at the dried Datura flowers on the terrace, blown by the hot desert air.

" I began to wonder if the present was real, or if it was part of a gigantic collective dream of which the entire city would be the projection. A negative map with bluish arteries, like that of a road network or an organism, led me to a house, perhaps mine. Only a cold light night lamp illuminated the writings on the walls of the room. Locked in a loop, I fell asleep without knowing where I would wake up."



Le souffle du diable, 2021,
dried Datura flowers picked in Lisboa, sun cream, black t-shirt, Daylight, All Night Long, monopôle, Lyon.

Le voyeur porte des œillères, série :
Interprétation d’une plage lumineuse, 2021, steel, mammogram of an unknown woman, walnut tongs, Daylight, All Night Long, monopôle, Lyon.

"If you can't stand the word spring, Nor the bright sunlight, Live without time", 2021,
solid oak, white PLA, Datura leaves picked in Gibraltar, Daylight, All Night Long, monopole, Lyon.









BIOGRAPHIE

NÉ EN 1997 À ARRAS
VIT ET TRAVAILLE À PARIS

Après avoir obtenu une licence à l’ESAD de Valenciennes, Antoine Dochniak a poursuivi sa formation à l’Ensba de Lyon où il obtient son DNSEP en 2020. Parallèlement à sa pratique plastique, il mène un travail de commissariat d’expositions avec l’artiste Pierre Allain. En 2021, il participe à l’exposition collective Le début de la fin à l’Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes, en collaboration avec l’Ensba de Lyon. En 2022, Antoine Dochniak est retenu dans la sélection du 66e Salon de Montrouge. Cette même année, il présente une exposition personnelle, The cage we live in, à l’Attrape-couleurs, Lyon. En outre, son activité curatoriale a donné lieu à plusieurs temps d’expositions, notamment à monopôle, artist run-space à Lyon (Daylight All Night Long, 2021 ; Be My Body, 2022). Antoine Dochniak définit ses œuvres comme des zones fictionnelles. Ses sculptures aux formes hybrides, composées de matériaux organiques (pétales de fleurs, pollen, résine de pin, cire d’abeille…) entremêlés à des éléments industriels, dessinent dans l’espace des présences énigmatiques. Elles matérialisent des liens paradoxaux (nœuds, attaches, enchâssements, suspensions, recouvrements…). Souvent nommées par des titres narratifs – d’une narration désenchantée –, les sculptures d’Antoine Dochniak portent en elles un propos de résistance et une dimension rituelle, comme pour conjurer les dangers du monde. Pour le programme Galeries Nomades de l’IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes, il exposera au Temple de Saoû (Drôme) du 14 octobre au 16 décembre 2023.



"Il paraît qu’il serait possible, avec des phéromones de synthèse, d’envoyer aux abeilles de fausses alertes et des signaux erronés, elles qui habituellement sécrètent et détectent ces messages chimiques pour organiser en fonction leurs comportements – dans un prisme qui s’étend de l’alarme à l’attaque, en passant par l’accouplement. Avec ces manipulations, on observerait un détournement de la micro-société que constitue la ruche, possible allégorie de nos propres systèmes politiques. Avec une attention portée à ce qui influence les êtres dits «sociaux», qui comprennent les insectes, les oiseaux, mais aussi les humains, le travail sculptural d’Antoine Dochniak observe les phénomènes et mécanismes de leurre, d’adaptation, de parasitage ou de survivance, à l’image de celui évoqué plus haut. L’artiste s’intéresse aux fils invisibles qui gouvernent les mouvements et régissent les désirs, en observant comment perturber les habitats, franchir les frontières tacites ou vivre en dérivation d’un système donné; non loin d’ailleurs de la dérive, au sens situationniste, qui déjoue la contrainte de nos espaces urbains.

Dans les œuvres d’Antoine Dochniak s’opère une dialectique de la substance, où le naturel embrasse et se heurte à l’industriel : interviennent au fil des sculptures la cire d’abeille, la crème solaire, les pétales, la fibre pare-balle, le cierge magique, l’acier inoxydable, les pilules d’iode, ou encore les phéromones susmentionnées, entre autres composantes de sa pharmacopée. À l’image de l’abeille à qui l’on doit tant le miel que le venin, la pratique de l’artiste est un jeu d’équilibriste qui consiste à faire converser les paradoxes, dans une confrontation permanente entre la prédation et la proie, le poison et le remède, l’harmonieux et le belliqueux. Dans des œuvres qu’il désigne comme des «zones fictionnelles», qui détiennent leurs propres législations et redessinent les cartographies en place, il présente le symptôme et sa contrepartie, qui aurait trait au soin ou à la protection.

Si l’emploi d’un imaginaire militarisé laisse entrevoir l’évocation d’un conflit ou d’une catastrophe en hors-champ, notre perception reste trouble lorsqu’il s’agit de comprendre si les œuvres les précèdent ou leur succèdent. Le danger demeure en tout cas impalpable, et s’incarne peut-être dans l’évanescence des ondes qui ponctuent le travail de l’artiste, qu’elles émanent de l’imagerie médicale, des rayonnements ultra-violets ou des radiations atomiques. Nourri d’une appréhension géopolitique du monde qu’il rejoue dans ses interstices poétiques, Antoine Dochniak laisse planer la menace mais la fait dialoguer avec un environnement proposant une nouvelle partition des liens qui unissent les espèces vivantes à celles non-vivantes. Il fait de ses sculptures un lieu où nouer des collaborations, conviant notamment, selon ses propres mots, les «oubliés de la chaîne de production». À rebours d’un discours dominant qui préfère l’individuation à l’enchevêtrement, il explore la complexité d’un monde où les abeilles butinent non loin des centrales nucléaires."

Lou Ferrand