ANTOINE DOCHNIAK

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SUBSTANCES DÉRIVÉES, L'ANTI PAYSAGE


(FR)   Cette lettre s’adresse à Looking for architecture, un cabinet d’architecture créé en 2011 par Antoine Trollat et Laurent Graber basé au 27 rue Danton à Lyon.

“Substances dérivées: l’Anti-paysage

C’est à proximité des parterres bitumeux que nous avons fait l'expérience quotidienne et répété des vulnérables fantômes de châteaux de mangues soufflées, des mâts de surveillances stoïques aux têtes de géants, des énergies contradictoires, du langage qui s’étouffe et des corps aux pôles électriques positifs et négatifs qui s’excitent, disjonctent et finissent par fuir; Iels sont les marqueurs d’un anti-paysage proche de son point de rupture. Un paysage vulnérable dont la constitution est celle de l’indifférence.

Substances Dérivées se comporte comme un cabinet d’analyse, à l'affût des symptômes invisibles des corps, affectés par la violence inhérente aux réseaux. Ce cabinet s’installe comme un circuit, vivant en dérivation de l’organisme ciblé. Hébergé par son hôte, il évolue ainsi comme un parasite dans un jeu d’opportunisme et de complicité. Ce circuit parallèle que nous avons développé à l'attitude commune de la fluorescéine ; poudre que l’on introduit dans le corps humain par perfusion sanguine qui se transforme en un colorant qui révèle ses lésions.

Par cette infiltration, nous souhaitons que les employés de l’atelier d’architecture Looking For Architecture puissent devenir le public et les hôtes privilégiés de ce circuit dérivé. Penser une exposition dans un espace où les bâtiments et futurs usages sont imaginés, ceux qui modifient nos comportements, nos systèmes de production et de pensée en profondeur, c’est pouvoir agir comme un réactif qui accentue et illumine les ramifications de ces endroits. Certaines zones infectées ne sont pas évidentes à révéler, discrètes, elles se nichent dans les méandres des périphéries d’un réseau et ne seront peut-être pas signifiées. « Pour cela, le parasite doit réduire au maximum ses effets pathogènes, se faire le plus discret possible, devenir son hôte. » La zone recherchée se colore, ses contours se dessinent, les œuvres interceptent.”



La dérive, 2022,
acier inoxydable, aluminum, nylon, silicone, gel balistique, bre d’aramide par balle, couture Wanda Buf, tatouage Sonia Gens, Substances dérivées: l’Anti-Paysage, LFA, Lyon.

Form follow function?, 2022,
acier inoxydable, tissu, mangue soudée, outil combiné clef de 14, 13 et cutter, couture Fanette Lambey, verre soufflé Clément Le Mener, Substances dérivées: l’Anti-Paysage, LFA, Lyon.













(EN)   This letter is addressed to Looking for Architecture, an architectural firm established in 2011 by Antoine Trollat and Laurent Graber based at 27 rue Danton in Lyon.

“Substances dérivées: The Anti-Landscape

It is in the vicinity of asphalted lawns that we have experienced the daily and repeated encounters with the vulnerable ghosts of blown mango castles, stoic surveillance masts with giant heads, contradictory energies, language choking, and bodies with positive and negative electrical poles that excite, trip, and ultimately escape; they are the markers of an anti-landscape close to its breaking point. A vulnerable landscape whose constitution is one of indifference.

Derived Substances acts as an analytical firm, on the lookout for the invisible symptoms of bodies affected by the inherent violence of networks. This firm positions itself as a circuit, living in derivation from the targeted organism. Hosted by its host, it evolves as a parasite in a game of opportunism and complicity. This parallel circuit that we have developed adopts the common attitude of fluorescein; a powder introduced into the human body through blood transfusion that transforms into a dye revealing its lesions.

Through this infiltration, we hope that the employees of the Looking For Architecture workshop can become the audience and privileged hosts of this derived circuit. To conceptualize an exhibition in a space where buildings and future uses are imagined, those that alter our behaviors, our production systems, and deep thought, is to be able to act as a reagent that accentuates and illuminates the ramifications of these places. Some infected areas are not easy to reveal, discreetly nesting in the meanders of the peripheries of a network and may not be signaled. "For this, the parasite must minimize its pathogenic effects, become as discreet as possible, become its host." The sought-after zone is colored, its contours are drawn, the artworks intercept.”



La dérive, 2022,
stainless steel, aluminum, nylon, silicone, ballistic gel, aramid bre per bullet, couture Wanda Buf, tattoo Sonia Gens, Substances dérivées: l'Anti-Paysage, LFA, Lyon.

Form follow function?, 2022,
stainless steel, fabric, welded mango, combined 14, 13 and cutter wrench, Fanette Lambey sewing, Clément Le Mener blown glass, Substances dérivées: l'Anti-Paysage, LFA, Lyon.














BIOGRAPHIE

NÉ EN 1997 À ARRAS
VIT ET TRAVAILLE À PARIS

Après avoir obtenu une licence à l’ESAD de Valenciennes, Antoine Dochniak a poursuivi sa formation à l’Ensba de Lyon où il obtient son DNSEP en 2020. Parallèlement à sa pratique plastique, il mène un travail de commissariat d’expositions avec l’artiste Pierre Allain. En 2021, il participe à l’exposition collective Le début de la fin à l’Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes, en collaboration avec l’Ensba de Lyon. En 2022, Antoine Dochniak est retenu dans la sélection du 66e Salon de Montrouge. Cette même année, il présente une exposition personnelle, The cage we live in, à l’Attrape-couleurs, Lyon. En outre, son activité curatoriale a donné lieu à plusieurs temps d’expositions, notamment à monopôle, artist run-space à Lyon (Daylight All Night Long, 2021 ; Be My Body, 2022). Antoine Dochniak définit ses œuvres comme des zones fictionnelles. Ses sculptures aux formes hybrides, composées de matériaux organiques (pétales de fleurs, pollen, résine de pin, cire d’abeille…) entremêlés à des éléments industriels, dessinent dans l’espace des présences énigmatiques. Elles matérialisent des liens paradoxaux (nœuds, attaches, enchâssements, suspensions, recouvrements…). Souvent nommées par des titres narratifs – d’une narration désenchantée –, les sculptures d’Antoine Dochniak portent en elles un propos de résistance et une dimension rituelle, comme pour conjurer les dangers du monde. Pour le programme Galeries Nomades de l’IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes, il exposera au Temple de Saoû (Drôme) du 14 octobre au 16 décembre 2023.



"Il paraît qu’il serait possible, avec des phéromones de synthèse, d’envoyer aux abeilles de fausses alertes et des signaux erronés, elles qui habituellement sécrètent et détectent ces messages chimiques pour organiser en fonction leurs comportements – dans un prisme qui s’étend de l’alarme à l’attaque, en passant par l’accouplement. Avec ces manipulations, on observerait un détournement de la micro-société que constitue la ruche, possible allégorie de nos propres systèmes politiques. Avec une attention portée à ce qui influence les êtres dits «sociaux», qui comprennent les insectes, les oiseaux, mais aussi les humains, le travail sculptural d’Antoine Dochniak observe les phénomènes et mécanismes de leurre, d’adaptation, de parasitage ou de survivance, à l’image de celui évoqué plus haut. L’artiste s’intéresse aux fils invisibles qui gouvernent les mouvements et régissent les désirs, en observant comment perturber les habitats, franchir les frontières tacites ou vivre en dérivation d’un système donné; non loin d’ailleurs de la dérive, au sens situationniste, qui déjoue la contrainte de nos espaces urbains.

Dans les œuvres d’Antoine Dochniak s’opère une dialectique de la substance, où le naturel embrasse et se heurte à l’industriel : interviennent au fil des sculptures la cire d’abeille, la crème solaire, les pétales, la fibre pare-balle, le cierge magique, l’acier inoxydable, les pilules d’iode, ou encore les phéromones susmentionnées, entre autres composantes de sa pharmacopée. À l’image de l’abeille à qui l’on doit tant le miel que le venin, la pratique de l’artiste est un jeu d’équilibriste qui consiste à faire converser les paradoxes, dans une confrontation permanente entre la prédation et la proie, le poison et le remède, l’harmonieux et le belliqueux. Dans des œuvres qu’il désigne comme des «zones fictionnelles», qui détiennent leurs propres législations et redessinent les cartographies en place, il présente le symptôme et sa contrepartie, qui aurait trait au soin ou à la protection.

Si l’emploi d’un imaginaire militarisé laisse entrevoir l’évocation d’un conflit ou d’une catastrophe en hors-champ, notre perception reste trouble lorsqu’il s’agit de comprendre si les œuvres les précèdent ou leur succèdent. Le danger demeure en tout cas impalpable, et s’incarne peut-être dans l’évanescence des ondes qui ponctuent le travail de l’artiste, qu’elles émanent de l’imagerie médicale, des rayonnements ultra-violets ou des radiations atomiques. Nourri d’une appréhension géopolitique du monde qu’il rejoue dans ses interstices poétiques, Antoine Dochniak laisse planer la menace mais la fait dialoguer avec un environnement proposant une nouvelle partition des liens qui unissent les espèces vivantes à celles non-vivantes. Il fait de ses sculptures un lieu où nouer des collaborations, conviant notamment, selon ses propres mots, les «oubliés de la chaîne de production». À rebours d’un discours dominant qui préfère l’individuation à l’enchevêtrement, il explore la complexité d’un monde où les abeilles butinent non loin des centrales nucléaires."

Lou Ferrand