ANTOINE DOCHNIAK

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THE CAGE WE LIVE IN


(FR)   The cage we live in est une tentative d’évasion sur un câble d’acier tendu entre deux building de béton, à la recherche d’un équilibre pour ne pas basculer dans le vide, espérant qu'un filet nous sauvera de notre chute sans ailes. L’exposition personnelle d’Antoine Dochniak prend place au rez-de-chaussée de la Tour Panoramique de la Duchère à Lyon. Dans ces murs, siégeait auparavant un poste de police municipale. D’une architecture dite panoramique à celle d’un panoptique, ce n’est qu’une histoire d’élévation, de point de vue poétique ou politique. D’une surveillance romantique du paysage urbain à celle d’une observation autoritaire tacite du paysage social. Une autorité visuelle surplombant la ville et ses habitant·es, rendue possible par l'ouverture des grands axes pour élargir le champ de vision et d'action du pouvoir en place, le rendant omniprésent.

Antoine m’explique que nos autoroutes sont devenues les nouveaux réseaux de la domination d’une espèce sur l’autre : des axes de prédation pour celles qui attendent, perchées sur les ponts, que nos monstres de ferrailles percutent leurs proies. Depuis ces ponts, nous surplombons le fourmillement incessant des voies rapides et observons parfois la présence d’une excroissance dorsale, greffée sur ces véhicules prédateurs. Ces cosses en plastique thermoformées se métamorphosent ici en deux monolithes de béton, embaumés d’une substance noire, produite à partir de pétrole naturel, de cire d’abeille et de résine de pin. Une matière disparue, visant à rendre étanche les sarcophages égyptiens lors des rituels funéraires. Ces deux corps enveloppés dans le bitume, sont reliés par une ossature métallique elle-même enrobée, telle une colonne vertébrale sans sa chair, qui s'étire et épouse l’architecture circulaire de l’espace d’exposition. La manifestation de ces formes sépulcrales, dont les verrous sont scellés dans l’asphalte, ralentissent notre désir de vitesse.

Lui-même en proie à ces coucous contemporains, l’architecte Aldo Rossi dessine en 1970 le cimetière de San Cataldo à Modène. Une maison des morts verticale et cubique, composée de lignes parallèles, vides comme nos autoroutes et dont les ouvertures évoquent les fenêtres d’une chambre d’hôpital et dessinent des points de suspension dans le ciel.

Suggérant à nouveau une architecture de la surveillance, Antoine Dochniak remplace d’une surface de béton la partie haute d’un bob anti-moustique, dont seul un filet de protection est conservé. Dans cette cage flottante qui maintient habituellement nos visages à l'abri, sont intégrées deux fines barres luisantes de phéromones provenant des mandibules d'une abeille reine. Elles provoquent une légère inclination comme celle d’une balance à la recherche de son équilibre. Dans une ruche, l’émission de cette substance artificielle permet de maintenir la stabilité du pouvoir. Les apiculteur·rices leurrent la présence de l’abeille reine lorsque celle-ci meurt, substituant son autorité afin que les abeilles ouvrières gardent leur rythme de travail. Cette sculpture, comme l’architecture dans laquelle vous vous trouvez, est ainsi habitée par d’anciennes entités autoritaires, désormais mêlées à de nouvelles âmes émancipatrices.

CATCH, sans risque pour mes plantes intérieures. Si l’industrie des insecticides est une pollution qui annule tout imaginaire d’une possible cohabitation avec un écosystème, nécessaire à notre survie, l'être humain des villes est lui aussi une pollution vivante et consciente. Hurlant aux moindre bourdonnements autour d’une prune juteuse, alors que la stridulation exotise ses vacances, il consacre une majeure partie de son temps estival à la création de pièges et subterfuges pour repousser et exterminer les insectes volants en tous genre : serpentins collants pour attraper des mouches, fonds de bouteilles pour la mise en bière des guêpes, corps badigeonnés de substances chimiques pour devenir des épouvantails parfumés. Allumant chaque nuit des lunes artificielles, créant une confusion avec la lueur de la véritable. Observant les bestioles volantes se noyer dans des bougies parfumées, se fossiliser dans des tombeaux de cire durcie senteur citronnelle ou brûlant dans le creux de nos lampes allogènes, fumantes comme des brasiers, puant leurs morts.

Dors, il fait encore nuit, dors. s’écrit une fermière sans le sous, dans le film Uccellacci e uccellini de Pier Paolo Pasolini (1966). Elle feint à ses enfants (comme des poules en batterie) une nuit sans soleil afin qu’iels continuent de dormir et ne réclament pas de repas. Elle n’a plus qu’un nid d’hirondelle pour les nourrir. Totò et Nino les deux protagonistes du film lui réclame de l’argent, sans quoi ils lui prendront sa maison. Plus tard, c’est au tour de Totò et Nino d’être assaillis et mis à terre par deux bergers allemands, dans la maison d’un bourgeois envers qui ils sont endettés. Alors, qui mange la maison de qui ?

Le troisième personnage du film est un corbeau, présenté comme un intellectuel de gauche : “Mon pays s’appelle Idéologie et j’habite la capitale la Ville du Futur, rue Karl Marx au numéro 70 fois 7. (...) Mes parents sont Sieur Doute et Dame Conscience”. Le corbeau raconte à Totò et Nino l’histoire de deux moines franciscains à qui Saint François d'Assise aurait donné l’ordre d'évangéliser deux « classes » d'oiseaux : les faucons (les puissants) et les moineaux (les humbles). Malgré leur réussite, Totò et Nino échouent à mettre fin à la rivalité entre ces deux congénères. Perdu·es dans une boucle de domination-soumission, nous sommes toujours les puissant·es et les humbles des autres, les bourgeois·es et les prolétaires des autres. Totò et Nino se lassent de ces morales communistes et dévorent le corbeau. Laissant place à de nouveaux oiseaux de métal dans le ciel. Les faucons oppressent toujours les moineaux.

Deux présences sculpturales sont inspirées de ces vertébrés à sang chaud, au corps recouvert de plumes. La première, soustraite à sa fonction défensive par sa possible fuite, est composée d'un squelette de croix métalliques recouvert d’une toison de caoutchouc noir, similaire à une peau d’animal tannée. Cette cape habille la fébrilité de son corps abîmé, brûlé. Une cicatrice se cache sous un collier. Sa tête, inclinée comme une virgule s’enroulant sur elle-même, figurant un mouvement de prosternation. Comme la flèche qui dirige, la virgule impose une pause et sa sœur (‘) libérée de la pesanteur, s’adresse à nous : apostrophant notre dominance par sa révérence. Son œil en diamant de zirconium nous implore. Cette figure chorégraphique, performant une tension entre deux êtres, apparaît dans la performance I like America and America like me, de l’artiste Joseph Beuys. En 1974, il cohabite durant trois jours avec un coyote nommé Little John, dans une galerie new-yorkaise transformée en cage. Recouvert à son tour d’une toison protectrice en feutre, l’artiste s’empare d’une canne en bois, qui n’est pas sans évoquer un bec d’oiseau, d’une lampe et d’un triangle et autres objets incitant à l’éloignement dans une défense non agressive et une possible communication (tactile, visuel, sonore).

Ces rapports de domination et de prédation naturelle sont également exploités par l'industrie agricole à des fins de rentabilité, installant des perchoirs à rapaces pour lutter contre les dits “nuisibles”. Dans le corps de la seconde présence, la représentation de l’oiseau disparaît dans son agrandissement abstrait, se fondant dans cette structure de surveillance. Celle-ci s’auto-porte en s’insère avec force et justesse, s’imposant dans l’espace architectural au point de la détruire partiellement : démembrant les plaques du faux plafond, transformant la faiblesse de son instabilité par une solidité inébranlable. Dans son antre, une proie en aluminium est suspendue. Cette forme biomorphique, hermaphrodite, rappelle à la fois le corps d’un oiseau et celui d’un insecte par sa structure corporelle à deux dards à ses extrémités. Ses caractéristiques ambiguës troublent ses intentions de défenses: à la fois arme protectrice, passive et bouclier hostile, agressif.

Comme les abeilles qui meurent en se défendant de la mort, la fonction des objets de défenses est ambiguës par leur possible retournement et détournement. Un masque en bronze, armure minimale au bec d’oiseau, est attaché par un cordon de lunette de piscine, faisant références à celles portées pour éviter les fumées des bombes lacrymogènes lors des manifestations, avec la tentation de les renvoyer aux attaquant·es. Cette œuvre provient d’une série réalisée avec l’artiste Inès Fontaine, qui interroge la dualité de fonction des objets de luttes. Celle de ce masque en bronze est ici inversée par son usage esthétique, qui dérobe la parole et le souffle de la personne qui le porte, annihilant sa fonction première : la protection.

Cette ambiguïté de fonction se retrouve dans les substances que nous ingérons pour nous rendre plus combatif, plus énergique. Cachées dans les tiroirs de nos tables de chevet, anxiolytique naturel et autres super-aliments, ces drogues bien pensantes peuvent devenir néfastes en cas d’excès. Ici, ça déborde de Spiruline, une cyanobactérie qui promet tonus et vitalité et que nous pouvons nous-même cultiver comme le cyanure (substances toxiques présentes notamment dans les pépins de raisins ou autres noyaux de fruits) ou les élevage de larves de la mouche black soldier qu’Antoine Dochniak souhaite lui-même produire, cultiver. À travers la production de ces poisons/antidotes, c’est notre intime recherche d’équilibre qui se révèle : de notre volonté de performance à nos failles émotionnelles, enfermé·es dans l’ambiguë de nos pulsions et de nos intuitions - comme le corbeau qui avance au rythme de sa cage, cachée dans le hors-champ de la caméra de Pasolini, pour se réfugier dans cette architecture carcérale qui le domine, le rassure et le protège.

Liza Maignan



Coffre de toi, 2022,
carapace dure et bombée, béton, boue noire Egypte antique, (bitume naturel, résine de pin, cire d’abeille), acier, Attrape-Couleurs, Lyon

Uccellini e Uccellacci ( des oiseaux petits et gros ), 2022,
bois okoumé, inox, appât en aluminium, Attrape-Couleurs, Lyon
Effaroucheur, oiseleur
ou appelant ?, 2022,
inox, tapis de sol de coffre de voiture, jus de bois, aluminium, diamant zirconium, Attrape-Couleurs, Lyon

Choses utiles pour la nuit, 2022,
boite godmorgon ikea, spiruline, inox, boite à renifler, appât aluminium, Attrape-Couleurs, Lyon
Agir à la dérobée, 2022,
bronze, élastique de masque de plongé, bande de protection.
En collaboration avec Inès Fontaine, Attrape-Couleurs, Lyon

Simulation de pouvoir, 2022,
bob anti-moustique, béton, laiton, jus de pouvoir, (QMP) phéromones de mandibule de reine abeille, Attrape-Couleurs, Lyon










(EN)   "The Cage We Live In" is an attempt to escape on a steel cable stretched between two concrete buildings, seeking balance to avoid tipping into the void, hoping that a net will save us from our wingless fall. Antoine Dochniak's solo exhibition takes place on the ground floor of the Duchère Panoramic Tower in Lyon. Within these walls, there used to be a municipal police station. From a so-called panoramic architecture to that of a panopticon, it's just a story of elevation, a poetic or political point of view. From a romantic surveillance of the urban landscape to that of a tacit authoritative observation of the social landscape. A visual authority overlooking the city and its inhabitants, made possible by opening up major axes to widen the field of vision and action of the ruling power, making it omnipresent.

Antoine explains to me that our highways have become the new networks of one species' domination over another: axes of predation for those waiting, perched on bridges, for our metal monsters to collide with their prey. From these bridges, we overlook the constant hustle of the highways and sometimes observe the presence of a dorsal outgrowth grafted onto these predator vehicles. These thermoformed plastic pods metamorphose here into two concrete monoliths, imbued with a black substance produced from natural petroleum, beeswax, and pine resin. A material used in ancient times to seal Egyptian sarcophagi during funeral rituals. These two bodies wrapped in bitumen are connected by a metal framework itself enveloped, like a spine without its flesh, stretching and conforming to the circular architecture of the exhibition space. The manifestation of these sepulchral forms, with locks sealed in asphalt, slows down our desire for speed.

Caught in these contemporary cuckoos himself, architect Aldo Rossi drew the San Cataldo Cemetery in Modena in 1970. A vertical and cubic house of the dead, composed of parallel lines, empty like our highways, and whose openings evoke the windows of a hospital room, drawing suspension points in the sky.

Suggesting once again an architecture of surveillance, Antoine Dochniak replaces the upper part of a mosquito net with a concrete surface, keeping only a protective net. In this floating cage that usually keeps our faces safe, two slender bars glisten with pheromones from the mandibles of a queen bee. They cause a slight inclination, like that of a balance seeking its equilibrium. In a hive, the emission of this artificial substance helps maintain the stability of power. Beekeepers deceive the presence of the queen bee when she dies, substituting her authority so that worker bees maintain their work rhythm. This sculpture, like the architecture in which you find yourself, is thus inhabited by ancient authoritative entities, now mixed with new emancipatory souls.

CATCH, harmless to my indoor plants. If the insecticide industry is a pollution that negates any imagination of possible coexistence with an ecosystem necessary for our survival, city dwellers are also a living and conscious pollution. Screaming at the slightest buzzing around a juicy plum, while the stridulation exoticizes their vacations, they spend most of their summer creating traps and subterfuges to repel and exterminate flying insects of all kinds: sticky ribbons to catch flies, bottle bottoms for wasp funerals, bodies smeared with chemical substances to become scented scarecrows. Lighting artificial moons every night, creating confusion with the glow of the real one. Watching flying creatures drown in scented candles, fossilize in tombs of hardened citronella-scented wax, or burn in the hollow of our halogen lamps, smoldering like bonfires, smelling of their deaths.

"Sleep, it's still night, sleep," writes a penniless farmer in the film "Uccellacci e uccellini" by Pier Paolo Pasolini (1966). She pretends to her children (like battery hens) a night without the sun so that they continue to sleep and do not demand a meal. She only has a swallow's nest to feed them. Totò and Nino, the two protagonists of the film, demand money from her, threatening to take her house if she doesn't pay. Later, it's Totò and Nino who are attacked and brought down by two German shepherds in the house of a bourgeois to whom they are indebted. So, who is eating whose house?

The third character in the film is a crow, presented as a left-wing intellectual: "My country is called Ideology, and I live in the capital, the City of the Future, on Karl Marx Street at number 70 times 7. (...) My parents are Sir Doubt and Lady Conscience." The crow tells Totò and Nino the story of two Franciscan monks to whom Saint Francis of Assisi allegedly gave the order to evangelize two "classes" of birds: the falcons (the powerful) and the sparrows (the humble). Despite their success, Totò and Nino fail to end the rivalry between these two congeners. Lost in a loop of domination-submission, we are always each other's powerful and humble, bourgeois and proletarians. Totò and Nino tire of these communist morals and devour the crow. Making way for new metal birds in the sky. Falcons still oppress sparrows.

Two sculptural presences are inspired by these warm-blooded vertebrates, with bodies covered in feathers. The first, withdrawn from its defensive function by its possible escape, is composed of a skeleton of metal crosses covered with a fleece of black rubber, similar to tanned animal skin. This cape clothes the frailty of its damaged, burnt body. A scar is hidden under a necklace. Its head, inclined like a comma curling up on itself, depicts a movement of prostration. Like the arrow that guides, the comma imposes a pause, and its sister (') released from gravity, addresses us: apostrophizing our dominance through its reverence. Its zirconium diamond eye implores us. This choreographic figure, performing tension between two beings, appears in the performance "I Like America and America Likes Me" by the artist Joseph Beuys. In 1974, he cohabited with a coyote named Little John for three days in a New York gallery turned into a cage. Covered in turn with a protective felt fleece, the artist takes hold of a wooden cane, not unlike a bird's beak, a lamp, and a triangle, and other objects encouraging distance in a non-aggressive defense and possible communication (tactile, visual, auditory).

These relationships of domination and natural predation are also exploited by the agricultural industry for profitability, installing raptor perches to combat so-called "nuisances." In the body of the second presence, the representation of the bird disappears in its abstract enlargement, merging into this surveillance structure. It self-supports by forcefully and accurately inserting itself, imposing itself in the architectural space to the point of partially destroying it: dismantling the false ceiling plates, transforming the weakness of its instability into unshakable solidity. In its lair, an aluminum prey is suspended. This hermaphroditic biomorphic form recalls both the body of a bird and that of an insect with its bodily structure with two stingers at its extremities. Its ambiguous characteristics disturb its defensive intentions: both a protective weapon, passive and hostile shield, aggressive.

Like bees that die while defending themselves from death, the function of defense objects is ambiguous due to their potential reversal and diversion. A bronze mask, a minimal armor with a bird's beak, is attached by a swimming goggle strap, referencing those worn to avoid tear gas fumes during protests, with the temptation to send them back to the attackers. This work comes from a series created with the artist Inès Fontaine, which questions the dual function of objects of struggle. The function of this bronze mask is inverted here by its aesthetic use, stealing the voice and breath of the person wearing it, annihilating its primary function: protection.

This ambiguity of function is also found in the substances we ingest to make ourselves more combative, more energetic. Hidden in the drawers of our bedside tables, natural anxiolytics, and other superfoods, these well-intentioned drugs can become harmful in excess. Here, it overflows with Spirulina, a cyanobacterium that promises vitality and energy and that we can cultivate ourselves, much like cyanide (toxic substances present notably in grape seeds or other fruit pits) or the breeding of black soldier fly larvae that Antoine Dochniak wishes to produce and cultivate himself. Through the production of these poisons/antidotes, our intimate search for balance is revealed: from our desire for performance to our emotional vulnerabilities, locked in the ambiguity of our impulses and intuitions—much like the crow that advances to the rhythm of its cage, hidden in Pasolini's camera off-screen, seeking refuge in the prison-like architecture that dominates, reassures, and protects it.

Liza Maignan



Coffre de toi, 2022,
hard, domed shell, concrete, antique Egyptian black mud, (natural bitumen, pine resin, beeswax), steel, Attrape-Couleurs, Lyon

Uccellini e Uccellacci ( birds big and small ), 2022,
okoume wood, stainless steel, aluminum bait, Attrape-Couleurs, Lyon
Effaroucheur, oiseleur
ou appelant ?, 2022,
stainless steel, car trunk floor mat, wood juice, aluminum, zirconium diamond, Attrape-Couleurs, Lyon

Useful things for the night, 2022,
ikea godmorgon box, spirulina, stainless steel, sniffer box, aluminum bait, Attrape-Couleurs, Lyon

Agir à la dérobée, 2022,
bronze, diving mask elastic, protective band.
In collaboration with Inès Fontaine, Attrape-Couleurs, Lyon

Simulation de pouvoir, 2022,
mosquito repellent bob, concrete, brass, power juice, (QMP) queen bee mandible pheromones, Attrape-Couleurs, Lyon















BIOGRAPHIE

NÉ EN 1997 À ARRAS
VIT ET TRAVAILLE À PARIS

Après avoir obtenu une licence à l’ESAD de Valenciennes, Antoine Dochniak a poursuivi sa formation à l’Ensba de Lyon où il obtient son DNSEP en 2020. Parallèlement à sa pratique plastique, il mène un travail de commissariat d’expositions avec l’artiste Pierre Allain. En 2021, il participe à l’exposition collective Le début de la fin à l’Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes, en collaboration avec l’Ensba de Lyon. En 2022, Antoine Dochniak est retenu dans la sélection du 66e Salon de Montrouge. Cette même année, il présente une exposition personnelle, The cage we live in, à l’Attrape-couleurs, Lyon. En outre, son activité curatoriale a donné lieu à plusieurs temps d’expositions, notamment à monopôle, artist run-space à Lyon (Daylight All Night Long, 2021 ; Be My Body, 2022). Antoine Dochniak définit ses œuvres comme des zones fictionnelles. Ses sculptures aux formes hybrides, composées de matériaux organiques (pétales de fleurs, pollen, résine de pin, cire d’abeille…) entremêlés à des éléments industriels, dessinent dans l’espace des présences énigmatiques. Elles matérialisent des liens paradoxaux (nœuds, attaches, enchâssements, suspensions, recouvrements…). Souvent nommées par des titres narratifs – d’une narration désenchantée –, les sculptures d’Antoine Dochniak portent en elles un propos de résistance et une dimension rituelle, comme pour conjurer les dangers du monde. Pour le programme Galeries Nomades de l’IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes, il exposera au Temple de Saoû (Drôme) du 14 octobre au 16 décembre 2023.



"Il paraît qu’il serait possible, avec des phéromones de synthèse, d’envoyer aux abeilles de fausses alertes et des signaux erronés, elles qui habituellement sécrètent et détectent ces messages chimiques pour organiser en fonction leurs comportements – dans un prisme qui s’étend de l’alarme à l’attaque, en passant par l’accouplement. Avec ces manipulations, on observerait un détournement de la micro-société que constitue la ruche, possible allégorie de nos propres systèmes politiques. Avec une attention portée à ce qui influence les êtres dits «sociaux», qui comprennent les insectes, les oiseaux, mais aussi les humains, le travail sculptural d’Antoine Dochniak observe les phénomènes et mécanismes de leurre, d’adaptation, de parasitage ou de survivance, à l’image de celui évoqué plus haut. L’artiste s’intéresse aux fils invisibles qui gouvernent les mouvements et régissent les désirs, en observant comment perturber les habitats, franchir les frontières tacites ou vivre en dérivation d’un système donné; non loin d’ailleurs de la dérive, au sens situationniste, qui déjoue la contrainte de nos espaces urbains.

Dans les œuvres d’Antoine Dochniak s’opère une dialectique de la substance, où le naturel embrasse et se heurte à l’industriel : interviennent au fil des sculptures la cire d’abeille, la crème solaire, les pétales, la fibre pare-balle, le cierge magique, l’acier inoxydable, les pilules d’iode, ou encore les phéromones susmentionnées, entre autres composantes de sa pharmacopée. À l’image de l’abeille à qui l’on doit tant le miel que le venin, la pratique de l’artiste est un jeu d’équilibriste qui consiste à faire converser les paradoxes, dans une confrontation permanente entre la prédation et la proie, le poison et le remède, l’harmonieux et le belliqueux. Dans des œuvres qu’il désigne comme des «zones fictionnelles», qui détiennent leurs propres législations et redessinent les cartographies en place, il présente le symptôme et sa contrepartie, qui aurait trait au soin ou à la protection.

Si l’emploi d’un imaginaire militarisé laisse entrevoir l’évocation d’un conflit ou d’une catastrophe en hors-champ, notre perception reste trouble lorsqu’il s’agit de comprendre si les œuvres les précèdent ou leur succèdent. Le danger demeure en tout cas impalpable, et s’incarne peut-être dans l’évanescence des ondes qui ponctuent le travail de l’artiste, qu’elles émanent de l’imagerie médicale, des rayonnements ultra-violets ou des radiations atomiques. Nourri d’une appréhension géopolitique du monde qu’il rejoue dans ses interstices poétiques, Antoine Dochniak laisse planer la menace mais la fait dialoguer avec un environnement proposant une nouvelle partition des liens qui unissent les espèces vivantes à celles non-vivantes. Il fait de ses sculptures un lieu où nouer des collaborations, conviant notamment, selon ses propres mots, les «oubliés de la chaîne de production». À rebours d’un discours dominant qui préfère l’individuation à l’enchevêtrement, il explore la complexité d’un monde où les abeilles butinent non loin des centrales nucléaires."

Lou Ferrand