ANTOINE DOCHNIAK

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(FR)   Les mois de septembre et d’octobre 2023, Antoine Dochniak les a passés à Reykjavík pour une résidence croisée entre Nýló (The Living Art Museum), Artistes en Résidence, l'Ambassade de France et l'Alliance Française. Antoine Dochniak est arrivé en Islande avec l'idée d'explorer le pays comme les lucioles de Pasolini, au corps et à la lumière non domestiqués. Après avoir parcouru l'Islande pendant plusieurs jours avec trois photographes, une question lui est venue. Le photographe capture le paysage dans son appareil photo, mais comment le sculpteur, dont la pratique dépend d'un état statique, peut-il ramener le paysage du voyage et créer en mouvement? Le glanage, la poésie et la photographie des gestes des sculptures itinérantes, ont émergé comme des solutions au nomadisme qu'il expérimente depuis près d'un an. Au cours de la première semaine, il a trouvé dans le sable noir, le phare égaré d'une moto accidentée. Après lui avoir rendu sa lumière, il l'a utilisé comme guide dans sa recherche sur la question de l'accident. Antoine a également rencontré des fleurs angéliques et leur sous-espèce, la berce du Caucase, dont la sève est phototoxiques. Une fois leurs têtes coupées, elles lui ont servi d'outils et de support pour les mots qu'il a développés dans ces poèmes. La troisième rencontre a été celle avec le cœur d'un géant d'obsidienne. Cet artefact, exposé pendant deux mois dans son atelier, lui et d’autres photographes qu’il a rencontrés, l’ont capturé quotidiennement dans leur caméra, dans l’attente peut être, d’un mouvement surnaturel.



Gesture / Capture, 2023,
sur l'île de Vestmannaeyjabær, avec Ivan Tomasevic, Nýló (The Living Art Museum), Reykjavík





Corps-fenêtre, 2023,
phare d'une moto suziki 600 GSXR accidentée, berce du Caucase décapitée, cloche perdue au pied du phare, ampoule, peinture, Nýló (The Living Art Museum), Reykjavík



Humeur vitrée, 2023,
berce du Caucase décapitée, planche de protection, horloge, peinture, peinture et vernis, coquillages et algues séchées, photographie du cœur d'obsidienne du géant dans l'atelier de Nina Allmoslechner, Nýló (The Living Art Museum), Reykjavík

Irrité par le temps, 2023,
planche de protection, peinture et vernis, poteau de clôture, punaises, 2 horloges, Nýló (The Living Art Museum), Reykjavík





(EN)   Antoine Dochniak spent the months of September and October 2023 in Reykjavík as part of a cross-residency program involving Nýló (The Living Art Museum), Artists in Residence, the French Embassy, and the Alliance Française. Arriving in Iceland, Antoine Dochniak aimed to explore the country akin to Pasolini's fireflies, with untamed body and light. After traveling Iceland for several days with three photographers, a question arose. While a photographer captures the landscape in their camera, how can a sculptor, whose practice depends on a static state, bring the landscape of the journey back and create in motion? For nearly a year, he has been experimenting with nomadism, and the act of gleaning, memories, and photographing the gestures of wandering sculptures emerged as solutions. In the first week, he discovered the misplaced headlight of a crashed motorcycle in the black sand. After restoring its light, he used it as a guide in his exploration of the theme of accidents. Antoine also encountered angelic flowers and their subspecies, the Caucasus hogweed, whose sap is phototoxic. Once their heads were severed, they served as tools and support for the words he developed in his poems. The third encounter was with the heart of an obsidian giant. Displayed in his studio for two months, he and other photographers captured it daily in their cameras, perhaps in anticipation of a supernatural movement.



Gesture / Capture, 2023,
on the island of Vestmannaeyjabær, with Ivan Tomasevic, Nýló (The Living Art Museum), Reykjavík





Vitreous humor, 2023,
giant hogweed beheaded, protective board, clock, painting, paint and varnish, shellfish and dried seaweed, photography of the giant's obsidian heart in the workshop by Nina Allmoslechner, Nýló (The Living Art Museum), Reykjavík

Body-window, 2023,
headlight of a crashed suziki 600 GSXR motorcycle, giant hogweed beheaded, lost bell at foot of lighthouse, bulb, painting, Nýló (The Living Art Museum), Reykjavík



Irritated by the time, 2023,
protective board, painting, paint and varnish, fence post, thumbtack, 2 clocks, Nýló (The Living Art Museum), Reykjavík







BIOGRAPHIE

NÉ EN 1997 À ARRAS
VIT ET TRAVAILLE À PARIS

Après avoir obtenu une licence à l’ESAD de Valenciennes, Antoine Dochniak a poursuivi sa formation à l’Ensba de Lyon où il obtient son DNSEP en 2020. Parallèlement à sa pratique plastique, il mène un travail de commissariat d’expositions avec l’artiste Pierre Allain. En 2021, il participe à l’exposition collective Le début de la fin à l’Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes, en collaboration avec l’Ensba de Lyon. En 2022, Antoine Dochniak est retenu dans la sélection du 66e Salon de Montrouge. Cette même année, il présente une exposition personnelle, The cage we live in, à l’Attrape-couleurs, Lyon. En outre, son activité curatoriale a donné lieu à plusieurs temps d’expositions, notamment à monopôle, artist run-space à Lyon (Daylight All Night Long, 2021 ; Be My Body, 2022). Antoine Dochniak définit ses œuvres comme des zones fictionnelles. Ses sculptures aux formes hybrides, composées de matériaux organiques (pétales de fleurs, pollen, résine de pin, cire d’abeille…) entremêlés à des éléments industriels, dessinent dans l’espace des présences énigmatiques. Elles matérialisent des liens paradoxaux (nœuds, attaches, enchâssements, suspensions, recouvrements…). Souvent nommées par des titres narratifs – d’une narration désenchantée –, les sculptures d’Antoine Dochniak portent en elles un propos de résistance et une dimension rituelle, comme pour conjurer les dangers du monde. Pour le programme Galeries Nomades de l’IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes, il exposera au Temple de Saoû (Drôme) du 14 octobre au 16 décembre 2023.



"Il paraît qu’il serait possible, avec des phéromones de synthèse, d’envoyer aux abeilles de fausses alertes et des signaux erronés, elles qui habituellement sécrètent et détectent ces messages chimiques pour organiser en fonction leurs comportements – dans un prisme qui s’étend de l’alarme à l’attaque, en passant par l’accouplement. Avec ces manipulations, on observerait un détournement de la micro-société que constitue la ruche, possible allégorie de nos propres systèmes politiques. Avec une attention portée à ce qui influence les êtres dits «sociaux», qui comprennent les insectes, les oiseaux, mais aussi les humains, le travail sculptural d’Antoine Dochniak observe les phénomènes et mécanismes de leurre, d’adaptation, de parasitage ou de survivance, à l’image de celui évoqué plus haut. L’artiste s’intéresse aux fils invisibles qui gouvernent les mouvements et régissent les désirs, en observant comment perturber les habitats, franchir les frontières tacites ou vivre en dérivation d’un système donné; non loin d’ailleurs de la dérive, au sens situationniste, qui déjoue la contrainte de nos espaces urbains.

Dans les œuvres d’Antoine Dochniak s’opère une dialectique de la substance, où le naturel embrasse et se heurte à l’industriel : interviennent au fil des sculptures la cire d’abeille, la crème solaire, les pétales, la fibre pare-balle, le cierge magique, l’acier inoxydable, les pilules d’iode, ou encore les phéromones susmentionnées, entre autres composantes de sa pharmacopée. À l’image de l’abeille à qui l’on doit tant le miel que le venin, la pratique de l’artiste est un jeu d’équilibriste qui consiste à faire converser les paradoxes, dans une confrontation permanente entre la prédation et la proie, le poison et le remède, l’harmonieux et le belliqueux. Dans des œuvres qu’il désigne comme des «zones fictionnelles», qui détiennent leurs propres législations et redessinent les cartographies en place, il présente le symptôme et sa contrepartie, qui aurait trait au soin ou à la protection.

Si l’emploi d’un imaginaire militarisé laisse entrevoir l’évocation d’un conflit ou d’une catastrophe en hors-champ, notre perception reste trouble lorsqu’il s’agit de comprendre si les œuvres les précèdent ou leur succèdent. Le danger demeure en tout cas impalpable, et s’incarne peut-être dans l’évanescence des ondes qui ponctuent le travail de l’artiste, qu’elles émanent de l’imagerie médicale, des rayonnements ultra-violets ou des radiations atomiques. Nourri d’une appréhension géopolitique du monde qu’il rejoue dans ses interstices poétiques, Antoine Dochniak laisse planer la menace mais la fait dialoguer avec un environnement proposant une nouvelle partition des liens qui unissent les espèces vivantes à celles non-vivantes. Il fait de ses sculptures un lieu où nouer des collaborations, conviant notamment, selon ses propres mots, les «oubliés de la chaîne de production». À rebours d’un discours dominant qui préfère l’individuation à l’enchevêtrement, il explore la complexité d’un monde où les abeilles butinent non loin des centrales nucléaires."

Lou Ferrand